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 Une si belle lettre

UNE MÈRE INTERPELLE SARKOZY SUR LA DISCRIMINATION MÉMORIELLE

 


 Voila que, non satisfait de la glissade morale effectuée sur la  peau de banane Guy Môquet qu'il s'était à lui-même étendue comme  carpette, Mr Sarkozy prétend « faire en sorte que, chaque année, à 
partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se  voient confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français  victimes de la Shoah
  Ma fille sera en CM2 en 2013. Elle porte en elle, de par la grâce  de ses parents, la mémoire de ces milliers d'enfants, français et  non français, qui au long de l'histoire humaine furent déportés,  séparés des leurs, rendus orphelins, esclaves, choses sexuelles,  assassinés…sur les 5 continents. Et qui le sont encore. Elle porte  en elle la mémoire future de ces enfants violemment séparés de  leurs parents ou familles, ici, maintenant, en France devant ses  yeux de fillette de 4 ans. Elle porte en elle en tant que future  femme, citoyenne, lionne au combat, la mémoire de tous ces enfants qu'elle aura vus déportés de son supposé pays de cocagne vers des  univers où ils disparaissent, de tous ces enfants qui n'ont pas  d'enfance, en Palestine, au Liban,... de tous ces enfants  marchandés cyniquement, au nom de l'enfance, au Tchad, ailleurs…

Ma fille porte en elle tout ceci parce qu'elle est vivante. Parce  qu'elle a un papa et une maman vivants auprès d'elle. Qui animent  son âme autant qu'ils le peuvent de toute l'actualité de leurs  combats, à sa mesure de petite fille, en lui apprenant qu'il n'y  pas de différence, entre un enfant blanc et un noir, entre un 
enfant juif, catholique, sikh, musulman, bouddhiste, que tout enfant a droit au bonheur d'être enfant, dans la douceur de sa famille, les câlins, le jeu, les apprentissages.
 Ma fille porte en elle tout cela, et elle ne se verra pas confiée  par l'école la mémoire de l'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah. Ce travail, qui m'est dévolu en tant que  parent, et qu'il n'appartient pas à mon sens au Président de la République de choisir de faire à ma place, je l'élabore dans le  respect de mon enfant, et de ce qu'est notre famille.
 Il n'y a pas que la Shoah, Mr. le Président. Maints massacres  furent perpétrés, maintes mémoires furent et sont encore blessées  qu'il vous semble vain d'honorer, maints enfants furent déportés  et assassinés, dont vous semblez faire si peu de cas, en d'autres  temps tout aussi atroces que celui de la Shoah.

 Quel est ce besoin que vous nous démontrez donc là, un besoin de repentance ? Ce mot que vous refusez à tout crin à ceux qui ne  vous le demandent même pas, mais qui voudraient juste prononcer le  mot de mémoire sans se faire éconduire ?
Qu'allez-vous donc faire dans cette galère ? Quel besoin de  s'aplatir dans le vent d'une seule direction, sous les tapis du  souvenir d'une seule victime ? Vous nous avez suffisament dit  lorsque cela vous arrangeait que les enfants n'étaient pas  comptables des fautes de leurs pères.
 Ma fille ne se verra confier par vous la mémoire d'aucun enfant  d'une seule confession, d'une seule déportation, d'un seul  esclavage, d'un seul massacre.
 Ma fille ne sera jamais l'objet de votre manipulation de  l'histoire, de l'émotion, du drame humain au service de vos seuls  biens et besoins personnels, politiques ou autres.
 Elle ne croulera pas sous le poids de votre culpabilité ou de vos  obédiences. Elle grandit libre dans sa connaissance de l'autre, des ses bonheurs et malheurs, grands et petits, auxquels nous  désirons l'éveiller pour qu'elle puisse partager le poids, plus tard, avec ceux qui souffrent.
 Mon enfant, nos enfants, grandissent à présent dans une France  dont mes parents, humains généreux s'il en fut, auraient  profondément honte . Si ma mère n'était pas morte, elle défilerait  aujourd'hui du haut de ses 89 ans, pour vous faire savoir qu'il  suffit.
 Qu'il suffit de l'outrager.
Qu'il suffit de choisir dans les souffrances humaines celles qu'il vous agrée d'honorer et celles qu'il vous indiffère d'ignorer.
Quand ce n'est pas celles qu'il vous arrange de rejeter dans de  lointaines poubelles.
 Qu'il suffit de gesticuler, justifiant toutes les exactions de la  France dans l'Ailleurs en ne supportant pas que l'Ailleurs vienne  vivre dans la France.
 Qu'il suffit de faire la leçon à des enseignants sur ce qu'il convient de faire partager d'histoire à leurs élèves, alors qu'ils 
nous font tous les jours partager, à nous parents, la fin de  l'histoire d'une éducation nationale que vous rendez exangue.
Qu'il suffit de tuer les familles, je pèse mes mots, en envoyant  vos sbires arracher les portes, arracher les affaires  personnelles, arracher les êtres de leur travail, arracher les  hommes de leur famille, arracher les mères de leurs enfants, ce  que vous faites tous les jours, ici, en France. Quand vous offrirez de la France un autre spectacle aux yeux de  nos enfants.
 Quand vous cesserez de nous mettre en deuil chaque matin de l'une des qualités d'accueil, de soin, de solidarité, d'éducation, de  liberté, d'égalité, de fraternité... qui devraient être la nature,  l'essence, la colonne vertébrale de notre pays.
 Quand vous vous préoccuperez, aussi, de ce qui se passe dans une  salle de classe lorsque les maitresse malades ne sont pas  remplacées, au collège lorsque les adultes si dévoués soient-ils à  leur mission, n'y sont pas assez nombreux.

 Quand vous proposerez à nos enfants la prise en considération de  toutes les souffrances des humains à travers l'histoire, sans  quantification, sans classification.Quand vous nous aiderez véritablement à les construire dans le 
respect de l'autre sous les yeux d'une République exemplaire.
 Quand vous tiendrez vos promesses de protéger tous les opprimés,  toutes les femmes opprimées, tous les déshérités, tous les enfants  déshérités...

 Quand vous ferez véritablement preuve d'un courage révolutionnaire  et visible en cessant les exactions, en ramenant vos chiens.
Quand vous serez capable de ne plus fabriquer visiblement et  incessament un pathos bien ciblé, d'héroïsme ou de pitié, c'est  tout comme, pour dissimuler la déconstruction de l'humain et de  l'espoir que vous vous acharnez à promouvoir.
Quand vous serez ce que vous n'êtes pas, quand vous ne serez plus  ce que vous êtes.
Je cesserai d'être en deuil de mon pays idéal.
 Je cesserai de ne pouvoir plus lire les journaux et de pleurer  chaque jour à la découverte des nouveaux nuages.

 Un grand mal est toujours suivi d'un grand bien.
 La citoyenneté profondément humaine, sincère, dévouée, invisible,  muette pour l'instant, s'amplifie chaque jour qui passe avec son  lot d'expulsés amis, de justes condamnés, ..... La réponse à votre action est dans cette résistance contre  laquelle vous ne pouvez strictement rien.
 La pensée et le coeur sont irréductibles.

 Ma fille se construit, comme bien d'autres enfants, par la grâce d'adultes conscients de leur devoir d' 'êtres au monde' parmi d'autres 'êtres au monde'.
 
Ces enfants seront des adultes, nombreux et imperturbables, des  lions, auxquels il incombera de développer à une échelle jamais  vue les valeurs de beauté et de bonté de la vie, pêchées dans le  meilleur de chacune de leurs origines, passées au tamis du  métissage, cimentées entre elles par la liberté et l'empathie  réunies.
Vous ne sauriez apprendre à mon enfant cela que je choisis de lui  apprendre.
 Son espoir et sa force sont entre les mains de son père et de sa 
mère.
 Claire Aymes, le 14 février 2008

 
 


Commentaires

Salut MJ,
c'est toi chiendlacasse ? Très belle lettre en tous les cas.

 

 

Re:

Jolie petite missive, oui, oui, avec dedans mine de rien une petite annonce de désobéissance civile!