L’héritage politique de Sarkozy La droite est-elle démocrate ?
Sarkozy s’est fait élire à l’UMP sur le thème de la droite« décomplexée », c'est-à-dire une droite qui assumerait à nouveau son identité. Il est donc bon de se retourner sur l’histoire de la droite française pour comprendre ce qu’est cette identité.
Légitimistes ou libéraux
C’est en 1789 que les termes droite et gauche ont été inventés, lorsque les députés favorables au droit de véto du roi se sont retrouvés à droite de l’hémicycle, et ceux qui y étaient défavorables à gauche. La droite était alors composée de légitimistes (nobles, haut clergé), prônant le retour intégral à l’ancien régime, et de libéraux (bourgeois, bas clergé), qui voulaient une monarchie constitutionnelle ou le roi détiendrait le pouvoir exécutif et aurait la prédominance sur l’assemblée. La droite n’acceptait pas non plus le suffrage universel, et étant majoritaire à l’assemblée,elle a donc mis en place en 1791 une monarchie constitutionnelle avec un suffrage censitaire (seuls ceux qui payaient un certain niveau d’impôt, donc seuls les riches, pouvaient voter). Il n’était pas non plus question du vote des femmes.Ce n’est que par la peur de la pression populaire des sans-culottes dans les rues de Paris et des paysans révoltés en province que l’assemblée a voté la fin du régime féodal et des privilèges.
Le bonapartisme
La troisième famille de la droite est née du coup d’Etat organisé en 1799 par le libéral Sieyès ayant amené au pouvoir le général Napoléon Bonaparte, qui établira une dictature militaire et populiste en France pour au final se faire couronner empereur. Le bonapartisme consiste à accepter et même glorifier les symboles de la république en les détournant pour établir un régime autoritaire et paternaliste.Ainsi Napoléon 1
Louis de Bonald, référence des légitimistes,énonce ainsi en 1796 les principes du conservatisme :
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Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la république française élu au suffrage universel en 1848 (soutenu par toute la droite, libéraux inclus). Il mettra fin à la deuxième République dès 1852 par référendum en devenant empereur sous le nom de Napoléon III
et Napoléon III bien que rétablissant le suffrage universel masculin, le rendront inutile (le peuple votait pour des listes de candidats suggérés au chef de l’Etat qui nommait en fait seul les hommes au pouvoir) et légitimerons régulièrement leurs actions par des référendums (ou plébiscites). Le référendum est une institution typiquement bonapartiste. Sous couvert de démocratie, elle établit surtout une relation personnelle entre un homme adulé et un peuple soumis, qui ne choisi ni la question ni les réponses possibles, et est amené à répondre oui pour soutenir son « guide ». Il permet aussi au chef de l’Etat de court-circuiter le parlement et s’octroyer un pouvoir législatif.monarchie absolue, aristocratie héréditaire, autorité patriarcale dans la famille, et la souveraineté morale et religieuse des papes sur tous les rois de la Chrétienté".11 Le XIXème siècle
Les légitimistes ont occupé plusieurs fois le pouvoir entre 1814 et 1848 avec Louis XVIII et Charles X, et les bonapartistes entre 1815 et 1870 avec le retour de Napoléon I
er puis avec Napoléon III. Sous le règne de Louis-Philipe 1er (1830-1848), les libéraux ont établit une monarchie constitutionnelle avec suffrage censitaire, et une deuxième chambre conservatrice représentant les intérêts des nobles et des bourgeois et limitant les possibilités d’action du parlement. Ainsi pendant tout le XIXème siècle, la droite s’est partagé le pouvoir, dans une alternance entre monarchie, empire et dictature militaire, tout cela n’empêchant pas (au contraire) le développement phénoménal du libéralisme économique, et, déjà, de la mondialisation. Le libéralisme n’a aucunement besoin de la démocratie, au contraire il ne se développe jamais mieux que dans un régime autoritaire ou les travailleurs sont muselés.La droite sous la république
Ce n’est qu’à la chute de Napoléon III en 1870 qu’une partie de la droite s’est vue imposer la république, n’arrivant pas à s’entendre sur la famille royale à couronner, et le temps perdu faisant sans cesse progresser les républicains à chaque renouvellement partiel de l’assemblée constituante. La troisième république n’a donc été fondée qu’a contrecœur par une droite divisée et bientôt minoritaire qui dès le départ a imaginé ouvertement les institutions de la troisième république de manière à permettre rapidement une restauration de la monarchie. Contrairement à leurs attentes, les victoires successives de la gauche ont en fait consolidé la république, les légitimistes ont été marginalisés, les libéraux ont accepté la république tout en tentant de la rendre la plus conservatrice et présidentielle possible, et les bonapartistes ont tenté des coups d’Etat avec le général Boulanger par exemple.
2 Le régime de Vichy
Depuis le début du XXème siècle, et jusqu'à nos jours, la droite française a été fortement inspirée par Charles Maurras, un homme qui mélangea les héritages légitimistes et bonapartistes pour défendre à nouveau la monarchie, le refus de la démocratie et de la république, en y ajoutant une bonne dose de racisme et d’antisémitisme. Sous l’occupation, les disciples de Maurras se retrouvaient aussi bien dans la collaboration que dans la résistance, selon qu’ils suivaient plutôt leur admiration pour le nazisme ou leur haine pour les allemands. C’est ainsi que Pétain et De Gaulle, tous deux grands admirateurs de Maurras, purent se retrouver finalement ennemis. Le maréchal Pétain, entouré de Maurrassiens, a mis en place une dictature militaire et raciste inspirée du légitimisme pour l’ordre moral et religieux, pour la haine de la république et de ses symboles, et du bonapartisme pour le populisme et l’autoritarisme militaire et paternaliste. Nombre de libéraux participeront aussi au régime à ses débuts avant que les Nazis n’imposent des personnalités plus ouvertement fascistes.
Lorsque les libéraux reviennent au pouvoir en 1830 à la faveur de la « révolution de Juillet », ils refusent la république et font monter Louis-Philippe d’Orléans sur le trône. La « monarchie de Juillet » restera l’idéal politique des libéraux, ou « orléanistes ». Adolphe Thiers, figure de proue des libéraux, l’un des fondateurs et le premier président de la troisième république, a auparavant soutenu l’arrivée de Louis- Philippe, puis le candidat Louis-Napoléon Bonaparte à l’élection de 1848. Sont ralliement à la république n’est du qu’a l’impossibilité pour la droite de se mettre d’accord pour couronner Le comte de Paris, le comte de Chambord ou le prince Bonaparte.
En 1958, De Gaulle a préparé avec les ligues fascisantes et l’armée française d’Algérie un coup d’Etat pour lui permettre de revenir au pouvoir, s’opposer à l’indépendance de l’Algérie et surtout changer le régime politique beaucoup trop parlementaire à ses yeux. C’est sous la menace des parachutistes prêts à investir le Palais-Bourbon que l’assemblée votera les pleins pouvoirs à De Gaulle. Celui-ci a alors fondé la Vème république, qui est un régime d’essence bonapartiste, avec un chef d’Etat très puissant pouvant recourir directement au référendum et nommant le gouvernement, et un parlement dont les pouvoirs sont très fortement limités et dont les membres ne sont plus élus à la proportionnelle mais à la majorité dans des circonscriptions découpées arbitrairement. Le régime conserve encore un certain nombre de caractéristiques démocratiques car cellesci ont été imposées à De Gaulle dans le mandat que lui a donné l’assemblée en lui permettant d’écrire une constitution. Pour enfoncer le clou, De Gaulle a ensuite fait modifier la constitution pour que le président soit élu directement par le peuple au suffrage universel direct, comme l’ont été Napoléon et Napoléon III. Il a alors clairement gouverné comme un bonapartiste, ignorant le parlement et s’octroyant le pouvoir législatif en faisant régulièrement des référendums en menaçant de démissionner si le résultat ne lui était pas favorable. Le Gaullisme De Gaulle était initialement royaliste, mais la droite s’étant très majoritairement compromise dans la collaboration et le soutien à Pétain, il devait faire face au sein du conseil de la résistance à une majorité de communistes et de socialistes. C’est cette majorité de gauche qui a imposé à de Gaulle, non seulement les avancées sociales (droit de vote des femmes, sécurité sociale, nationalisations…), mais même la république. De Gaulle devenant le symbole de la résistance, de nombreuses personnes aussi bien de gauche que de droite se disaient « gaullistes », et c’est par cette forte présence de la gauche au sein même des gaullistes que cette famille politique est devenue républicaine et parfois sociale. Pourtant De Gaulle n’a pas abandonné sa famille politique, et s’il s’est converti à la république, c’est pour devenir bonapartiste. Il a ainsi toujours plaidé pour un pouvoir présidentiel très fort, et a quitté le gouvernement provisoire quand il a compris que la IV Maurras, qui dira de l’arrivée de Pétain qu’elle est une « divine surprise » a écrit de nombreux textes élogieux sur Salazar, Franco, Mussolini, mais aussi De Gaulle, avant que celui-ci ne s’oppose à Pétain. Le « Je vous ai compris» de De Gaulle à Alger le 4 Juin 1958 s’adresse aux pieds noirs partisans de l’Algérie française et à l’armée française d’Algérie qui vient de le porter au pouvoir par un coup d’Etat. Très peu de parlementaires (tous de gauche) s’y sont opposés comme Pierre Mendès-France« Je ne puis admettre de donner un vote contraint par l’insurrection et la menace d’un coup de force militaire ». 3…et Sarkozy ? Dans toute son histoire la droite n’a donc jamais été démocrate, au mieux elle fut républicaine autoritaire, et seulement sous la contrainte et la pression des républicains de gauche. Pourtant depuis 1945, la droite, discréditée par la collaboration, a tenté de lisser son image en se donnant des airs de républicains convaincus et de défenseurs de la démocratie. Chirac (dont le parcours politique a commencé à gauche) est l’incarnation de ce lissage, ce qui lui est régulièrement reproché par son camp, et en particulier par les sarkozystes. . .
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Parce qu’elle menace de revenir en force avec Sarkozy, n’oublions pas ce que la droite incarne avant tout : une menace sur la démocratie. M B - tzitzimitl (at) laposte.net
L’entrée du QG de campagne de Nicolas Sarkozy, le culte du chef de retour